COLLABORATION ET STRATÉGIES DE RÉDUCTION DES COÛTS
Comment les ingénieurs et les designers industriels peuvent réduire les coûts en collaborant plus étroitement
Au moment où de plus en plus d’entreprises manufacturières luttent pour leur survie, ce livre blanc examine les défis auxquels elles sont confrontées quand elles doivent rester concurrentielles sur les prix tout en maintenant des marges bénéficiaires décentes. À cet effet, ce document s’intéresse aux avantages d’une collaboration accrue entre les services d’ingénierie, d’approvisionnement et de fabrication.
Des temps difficiles pour les entreprises manufacturières
La détérioration de la situation économique, jumelée à la concurrence internationale à bas prix, et la flambée des prix de l’énergie ont fait douloureusement prendre conscience aux entreprises manufacturières nord-américaines qu’elles ne pouvaient plus ignorer l’écart de productivité qui s’est creusé par rapport à la concurrence d’outre-mer.
Cette situation s’est bien entendu traduite par des licenciements massifs. Ainsi, simplement entre 2004 et 2008, l’industrie manufacturière canadienne a vu disparaître plus d’un emploi sur sept, soit quelque 322 000 emplois. Quant aux États-Unis, ils ont perdu près de six millions d’emplois au cours de dix dernières années.[1] Pendant ce temps, la Chine est devenue le premier pôle mondial de l’emploi dans le secteur manufacturier. D’ailleurs, le nombre d’emplois manufacturiers aurait atteint les 109 millions en 2002, ce qui représente plus du double du total cumulé (53 millions) de tous les pays membres du G7.[2]
Le pire est que ces licenciements massifs ne suffiront peut-être même pas. En effet, rien ne garantit qu’en baissant leurs prix et leurs marges bénéficiaires, les entreprises manufacturières nord-américaines parviendront à concurrencer les compétiteurs à bas prix. Il pourrait même s’agir d’une stratégie dangereuse. Après tout, ne dit-on pas « que peu importe jusqu’où vous baisserez vos prix, il y aura toujours quelqu’un qui sera prêt à faire faillite plus vite que vous »?
Une stratégie gagnante
Une autre possibilité —sans doute plus prometteuse—serait de trouver le moyen de rationnaliser les processus d’approvisionnement, de développement de produit et de fabrication. Cette approche a l’avantage de permettre aux entreprises manufacturières d’augmenter leur productivité et de réduire leurs coûts internes, sans pour autant sacrifier leurs marges.
Naturellement, ce n’est pas la première fois que quelqu’un se penche sur la question. Dès 1985, la société American Motors Corporation (AMC) cherchait à accélérer le processus de développement de produit.
C’est ainsi qu’elle a donné naissance à un nouveau processus, désormais connu sous le nom de Gestion du cycle de vie des produits (GCVP).
Cet effort s’est traduit dans un premier temps par l’avènement de la conception assistée par ordinateur (CAO), ce qui a permis aux ingénieurs d’augmenter leur productivité de façon incroyable. Dans un deuxième temps, il a mené au développement d’un nouveau système de communication. L’idée étant qu’en consignant dans une base de données centrale toutes les informations relatives à un produit, comme les modifications techniques ou les améliorations au niveau du design et de la fabrication, les ingénieurs pourraient établir une boucle de rétroaction continue.
Les résultats n’ont pas tardé à se faire sentir. Chrysler, qui avait entre-temps fait l’acquisition de l’AMC et qui a généralisé l’utilisation de la GCVP dans toute l’entreprise, est devenu le fabricant automobile ayant les coûts les plus bas. À titre indicatif, dès le milieu des années 1990, ses coûts de développement étaient moitié moindres que la moyenne de l’industrie.[3]
L’évolution du rôle des ingénieurs
La GCVP ne conviendra probablement pas à tout le monde, mais l’approche a au moins le mérite d’illustrer que la conception de produit est avant tout un processus interactif, et que les délais de fabrication et d’assemblage, tout comme les niveaux de stocks, découlent en grande partie du design.[4]
Le rôle des ingénieurs (ou des designers industriels, tout dépendant de la compagnie) est donc double. Ils doivent à la fois identifier et minimiser les défauts de conception à l’étape de la création du prototype, mais aussi constamment améliorer leur design en tenant compte des commentaires des services de production et d’approvisionnement.
De plus, les ingénieurs peuvent compter sur leurs fournisseurs pour les aider à encore plus réduire leurs coûts.
À condition, bien sûr, que ces fournisseurs soient disposés à trouver des solutions aux problèmes de conception, et qu’ils ne se contentent pas d’être le soumissionnaire au plus bas prix. Tout ce travail peut vraiment en valeur la peine, car des études indiquent qu’en impliquant les fournisseurs dès le début de la phase de conception, les entreprises peuvent espérer réduire davantage leurs coûts, généralement de 3 à 15 pour cent.[5]
Naturellement, tout cela n’est possible que si des systèmes sont en place pour favoriser la collaboration entre les services d’ingénierie, de fabrication et d’approvisionnement; et si la direction soutient cet effort en encourageant l’amélioration continue et les initiatives de réduction des coûts, de la phase initiale de conception au produit fini.
Les avantages d’une collaboration plus active
L’amélioration de la collaboration offre bien des avantages. Elle permet notamment d’accélérer la mise en marché des produits, d’améliorer leur niveau de qualité et de diminuer le coût des stocks.
À titre d’exemple, les ingénieurs peuvent collaborer avec les services d’assurance qualité et d’approvisionnement pour établir une liste de fournisseurs préférentiels.
Quand une telle liste n’existe pas, le service des approvisionnements risque fort probablement de choisir le fournisseur le moins cher. C’est parce qu’il ne réalise pas que les fournisseurs qui peuvent leur livrer des pièces et matériaux plus rapidement pourraient en fait leur faire économiser bien plus que la différence de prix initiale, tout simplement parce que de meilleurs délais de livraison se traduisent par une baisse du coût des stocks et de meilleurs délais de mise en marché des produits.
Pour faciliter la collaboration, les ingénieurs peuvent se servir d’un avis de modification technique (AMT). Conçus non seulement pour consigner les modifications qui doivent être apportées au design, mais aussi la raison du changement, ces avis permettent d’établir un historique des résolutions de problème et des mesures de réduction des coûts. Ils sont donc particulièrement utiles pour éviter les éventuels problèmes lors de l’élaboration de nouveaux produits.
De plus, les AMT sont un excellent moyen d’alléger le fardeau financier associé aux pièces inutilisées ou obsolètes en stock. Là encore, les AMT servent à documenter les matériaux et pièces actuellement en stock qui peuvent encore être utilisés avant d’apporter des modifications au design du produit. Le service des achats et les fournisseurs préférentiels peuvent alors s’assurer que les modifications au design correspondent aux périodes futures de réassortiment des stocks, de manière à ce que personne ne se retrouve avec un stock inutilisable sur les bras.
Cette boucle de rétroaction continue et toute la documentation qui en découle sont de précieuses sources d’information pour la mise au point de nouveaux produits. Elles contribuent aussi à éliminer les problèmes de fabrication et d’assemblage, tout en tenant compte de l’effet des modifications au design sur les niveaux de stocks. Cette approche compte d’autres avantages, comme la réduction des délais de développement des produits et des temps d’arrêt, ainsi que des coûts de fabrication, mais aussi et surtout, une meilleure cohésion et une meilleure faculté d’adaptation entre tous les services concernés.
Conclusion
Nul doute que les temps sont durs pour les entreprises manufacturières. Il est donc compréhensible que le service d’approvisionnement soit tenté de choisir le fournisseur au plus bas prix. Par contre, il s’agit rarement d’une bonne décision.
D’une part, parce que cette solution est généralement temporaire—que se passera-t-il si les prix chutent de nouveau?—et d’autre part, parce que cette stratégie peut véritablement avoir l’effet inverse, car si elle se traduit par une augmentation des coûts de fabrication et de stockage, elle ne fera que réduire encore plus les marges. Tout ne dépend pas que du prix. La qualité du service, les compétences techniques, et la réactivité globale du fournisseur sont autant de paramètres à prendre en compte. Par contre, le service des approvisionnements ne peut le faire que s’il obtient l’aide des ingénieurs.
Cela dit, quand les ingénieurs participent activement à la recherche de solutions de réduction des coûts en engageant dès le début les fournisseurs et les services d’achat et de fabrication dans un processus participatif, leurs efforts concertés se traduisent généralement par la fabrication plus rapide de produits de meilleure qualité et ce, à moindre coût.
En fin de compte, c’est ce type de stratégie de réduction des coûts et non une simple diminution de prix qui permet d’obtenir un avantage concurrentiel durable.
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Références
[1] Rice, Marc. Avril 2011. 6 Million jobs lost, 42,000 factories closed. It’s time for a national manufacturing strategy http://nistmep.blogs.govdelive... (lu le 22 septembre 2011)
[2] Bernard André. Mars 2010. Trends in manufacturing employment http://www.statcan.gc.ca/pub/7... (lu le 22 septembre 2011)
[3] Product lifecycle management http://en.wikipedia.org/wiki/P... (lu le 22 septembre 2011))
[4] Anderson, Dr. David. M. 2010 Design for Manufacturability http://www.design4manufacturab... (lu le 22 septembre 2011)
[5] Ericson, Jim. 2003 Where Collaboration meets sourcing http://www.exostar.com/news_re... (lu le 22 septembre 2011)